La recherche faisait partie du deal lorsque le gouvernement Trudeau a convaincu la population de légaliser le cannabis au Canada.
Le gouvernement libéral a mis de côté l’inefficace et coûteuse prohibition pour miser sur une approche axée sur la santé publique et le contrôle de la qualité des produits du cannabis mis sur le marché.
Pour réussir dans cette voie, pour éviter les effets indésirables et imprévus de la consommation de cannabis «légal» et se retrouver avec d’autres problèmes de santé publique ou de sécurité, ou à l’inverse pour explorer les possibles vertus de cette drogue, il est nécessaire de s’appuyer sur des études, sur des données scientifiques.
Or, une nouvelle publiée dans La Presse soulève des préoccupations. «Effets du cannabis : la bureaucratie freine la recherche», titrait lundi le quotidien.
Le journaliste a interrogé à travers le pays divers chercheurs qui estiment que Santé Canada leur met des bâtons dans les roues et retarde des projets de recherche prêts à démarrer. Des scientifiques expliquent qu’ils ont les fonds pour mener leur recherche, mais qu’ils peinent à fournir les informations exigées par le Bureau des essais cliniques de Santé Canada.
Un scientifique de Colombie-Britannique soutient même que les chercheurs sont «injustement menottés par des régulateurs gouvernementaux», et ce, même si le gouvernement est informé du problème depuis un an.
Ottawa doit s’assurer d’une collaboration efficace entre Santé Canada et les milieux de la recherche à travers le pays. La population doit avoir l’assurance que tous ont leur santé et leur sécurité à cœur.
Certes, les libéraux de Justin Trudeau ont rempli la promesse, faite lors de la campagne électorale de 2015, de légaliser le cannabis.
Le travail n’est cependant pas terminé. Tant à Ottawa que dans les provinces, la recherche ne doit pas être négligée ou subir des retards. Il faut réunir les conditions gagnantes pour que le changement de paradigme effectué par Ottawa soit positif.
Dans le rapport final déposé en 2016 pour guider le gouvernement fédéral, le groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis notait l’importance de la recherche avant de procéder à un changement législatif, mais aussi après, de «façon continue».
Il préconisait que «les gouvernements investissent des efforts et des ressources pour élaborer, mettre en œuvre et évaluer des stratégies de prévention générales et holistiques pour traiter les facteurs de risque sous-jacents et les facteurs déterminants de la consommation problématique du cannabis, comme la maladie mentale et la marginalisation sociale».
Il ne suffit pas pour les gouvernements de lever l’interdit, d’avoir un prix compétitif avec celui du marché noir et d’empocher les revenus provenant d’une substance qui enrichissait uniquement auparavant le crime organisé.
Le groupe de travail, présidé par l’ex-ministre libérale de la Santé et de la Justice, Anne McLellan, incitait les gouvernements à s’engager à utiliser les recettes de la réglementation du cannabis comme source de financement pour la prévention, l’éducation et le traitement.
Il recommandait aussi de faciliter et surveiller les activités continues de recherche sur le cannabis et l’affaiblissement des facultés, en tenant compte des incidences sur les politiques en matière de santé et de sécurité au travail.
Mme McLellan et son groupe signalaient que la légalisation comportait des risques et que la base de connaissances sur le cannabis et ses effets sur la santé et le développement humain avait des lacunes.
«Par conséquent, les recommandations énoncées dans ce rapport comprennent des appels pour une recherche et une surveillance permanentes et une souplesse pour s’adapter et répondre aux besoins permanents et nouveaux de politique». Le groupe conseillait aussi aux ministres de promouvoir la recherche préclinique et clinique sur la consommation du cannabis et des cannabinoïdes à des fins médicales.
Si le Canada veut que la légalisation du cannabis se traduise par des bienfaits et non par un échec comme l’ont été pendant plus de 100 ans la prohibition et l’approche répressive, les chercheurs doivent être au rendez-vous et pouvoir faire avancer leurs travaux rondement.
Il faut compter sur eux pour suivre l’évolution des produits, leur commercialisation et les effets de leurs divers usages, ainsi que les habitudes de consommation, les comportements des consommateurs selon leur groupe d’âge et le traitement des dépendances, et ce afin de pouvoir procéder aux ajustements nécessaires.
Pour ne pas minimiser — ou à l’inverse pour ne pas exagérer — les effets du cannabis et de sa légalisation, il faut pouvoir se fier sur des données variées, fiables et récentes.
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