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Canada :Deux ans plus tard, une légalisation du cannabis payante

Dix-sept petits mois. C’est ce qu’il aura fallu pour que la marijuana bascule de produit illégal à service essentiel devant continuer à être vendu en commerce, même au plus fort du confinement pandémique. C’est dire à quel point la légalisation du cannabis, après avoir déchiré la population, n’est plus objet de débat. L’herbe maudite fait maintenant partie du paysage. Deux ans jour pour jour après l’entrée en vigueur de la loi fédérale légalisant cette substance, Le Devoir propose un retour sur ses effets.





17 octobre 2018 : les bulletins de nouvelles diffusent des reportages sur le premier jour de la légalisation mettant en scène de joyeux fumeurs de pétards. « On va enfin peut-être ne plus avoir de dette à un moment donné parce qu’on va tous vous payer ça, nous autres », lance l’un d’eux à Radio-Canada.



C’était en effet un des arguments en faveur de la légalisation du cannabis : elle augmenterait les revenus de l’État. Deux ans plus tard, on constate que l’argent rentre, certes, mais pas au point d’effacer la dette.


Le cannabis génère trois types de revenus pour les gouvernements : en taxe de vente provinciale, en taxe de vente fédérale (TPS) et en taxe d’accise fédérale (dont les trois quarts sont retournés aux provinces). Au Québec, où la vente de cannabis a été nationalisée, il y a une quatrième source de revenus : les profits de la SQDC.


Selon les données compilées par Le Devoir, le gouvernement du Québec a encaissé grâce au cannabis 103 millions de dollars en 18 mois, soit 38,2 millions en TVQ, 43,4 millions en taxe d’accise et 21,4 millions en profits nets de la SQDC (la SQDC avait généré une légère perte à sa première année de fonctionnement). Les données au-delà du 28 mars 2020 ne sont pas encore disponibles. À titre de comparaison, les revenus totaux du Québec en 2019-2020 devaient atteindre 116 000 millions.


Le Québec a reversé 20 millions de dollars aux municipalités pour les aider à faire face à une hausse des dépenses engendrées par la légalisation.


103 millions

C’est le montant que le gouvernement du Québec a encaissé grâce au cannabis en 18 mois.

Du côté fédéral, il est impossible d’obtenir un total comparable, faute de données. Ottawa sait seulement qu’en date du 31 mars 2019, sa part de la taxe d’accise s’est élevée à 18,4 millions de dollars. Toutefois, grâce à la SQDC, qui sait combien de TPS a été payée au Québec, on peut extrapoler et affirmer qu’Ottawa a engrangé 24,5 millions en TPS à travers le pays. Ottawa a donc touché environ 43 millions au cours des six premiers mois de la légalisation.


En Ontario, la province a touché 67 millions de dollars en taxe d’accise et environ 47 millions en taxe de vente provinciale, pour un revenu total de 114 millions de dollars en 18 mois.


Conduite dangereuse ?


Une des plus importantes craintes relatives à la légalisation était qu’elle engendrerait une hausse des cas de conduite avec facultés affaiblies. Le Devoir a analysé les statistiques des services de police de Montréal, Québec, Toronto, Calgary et Vancouver. Les données semblent confirmer la hausse appréhendée, mais les policiers nuancent en disant que les cas de conduite avec facultés affaiblies par toutes les autres drogues sont également en hausse.


À Montréal, à Québec et à Vancouver, les policiers n’isolent pas les cas de conduite avec facultés affaiblies par la marijuana de ceux relatifs aux autres drogues. Les chiffres doivent donc être pris avec circonspection. De 2017 à 2019, les cas sont passés de 60 à 193 à Montréal (+222 %), de 83 à 109 à Québec (+31 %) et de 268 à 324 à Vancouver (+21 %).


À Toronto, le nombre de cas impliquant le cannabis est passé de 7 en 2016 à 23 en date du 1er octobre 2020, soit une augmentation de 229 %. Mais les cas impliquant les autres drogues ont aussi augmenté de 106 % (de 48 à 99).


À Calgary, le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies par la marijuana est en légère hausse (7 cas en 2017, 13 en 2018, 9 en 2019), mais leur poids relatif dans le total des cas de conduite avec facultés affaiblies par d’autres drogues est demeuré inchangé, à environ 19 %.


Ce texte fait partie de notre section Perspectives.

Le policier de Calgary Kody Green estime que ces hausses sont imputables à deux facteurs. « La raison pour laquelle on trouve plus de cas, c’est que nos policiers sont mieux formés pour vérifier et faire enquête », dit-il. Dans la foulée de la légalisation, des formations en détection ont été offertes à travers le Canada.


Le deuxième facteur à son avis est le fait que les gens « sont déprimés », en particulier dans sa province frappée de plein fouet par la récession. « Les gens consomment de la drogue pour fuir. » M. Green explique qu’il n’y a pas eu plus d’accidents causés par des gens intoxiqués au cannabis. Il s’agit surtout, dit le policier, de gens retrouvés endormis derrière le volant, à un feu de circulation ou dans un stationnement.


Statistique Canada a noté à la fin 2019 que 13 % des utilisateurs de cannabis ont pris le volant moins de deux heures après avoir consommé, un taux inchangé par rapport à avant la légalisation. Toutefois, il y a moins de passagers qu’avant (4 %) qui prennent place à bord d’un véhicule conduit par quelqu’un qui est intoxiqué.


Hausse de la consommation ?


Selon Statistique Canada, le taux de consommation de cannabis au Canada est de 17 % de la population, soit deux points de plus qu’avant la légalisation. La consommation est demeurée la même dans six provinces mais a augmenté en Alberta, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. Le taux de consommation est le plus bas au Québec (12 %) et le plus élevé en Nouvelle-Écosse (26 %). Le taux d’utilisateurs quotidiens est demeuré inchangé, à 6 %, tandis que le nombre de jeunes de 15 à 17 ans disant avoir consommé du cannabis au cours des trois derniers mois a diminué de moitié, pour s’établir à 10 %.


Au Québec, la SQDC a vendu 10 tonnes de cannabis au cours de ses six premiers mois d’exploitation, et 47 tonnes en 2019-2020. Cette hausse reflète l’élargissement continu du réseau, qui compte maintenant 46 succursales. La SQDC évalue la demande québécoise de cannabis à 150 tonnes et pense donc avoir remplacé le tiers du marché noir.


L’année en cours devrait se conclure par une autre hausse des ventes, mais pas nécessairement juste à cause de la pandémie. La SQDC confirme au Devoir avoir « connu une augmentation des ventes tant en ligne qu’en succursale pendant les premières semaines de la pandémie [mais] cette augmentation est depuis revenue au niveau normal de croissance que nous connaissons depuis le 17 octobre 2018 ». Difficile de déterminer quelle part de cette hausse est attribuable à la pandémie et laquelle est attribuable à l’élargissement du réseau. Depuis le 13 mars, date du début du confinement, la SQDC a ouvert sept nouvelles succursales.



Le gouvernement canadien avait promis, en légalisant le cannabis, de pardonner les infractions passées de Canadiens qui ont été pris avec du pot dans les poches. Ce processus de pardon simplifié est arrivé à l’été 2019. Les autorités évaluaient alors que près de 250 000 Canadiens traînaient une condamnation pour possession simple et que 10 000 d’entre eux pourraient se prévaloir d’un pardon accéléré.


Un peu plus d’un an plus tard, seulement 558 demandes de pardon ont été acheminées à la Commission des libérations conditionnelles. De ce nombre, 322 ont mené à une suspension du casier judiciaire. Deux autres demandes qui avaient été approuvées ont été abandonnées. 224 ont été renvoyées au demandeur car elles ont été jugées incomplètes ou inadmissibles par les autorités. Dans ces cas, le demandeur peut parfois arriver à ses fins en fournissant des informations supplémentaires. Enfin, 10 demandes ont été rejetées.


Le processus offre désormais aux contrevenants d’antan d’obtenir un pardon gratuitement — plutôt qu’au coût de 631 $ comme auparavant —, et ce, dès la fin de leur peine, plutôt que de devoir attendre cinq ans après leur condamnation comme c’était le cas avant.


La majorité des demandes présentées depuis août 2019 l’ont été dans les deux provinces les plus importantes : 184 provenaient de l’Ontario (33 %) et 149 du Québec (27 %). Étonnamment, la Colombie-Britannique, dont les citoyens sont parfois considérés comme d’aussi grands amateurs de cannabis que les Québécois, figure au quatrième rang du palmarès avec 66 demandes, tout juste derrière l’Alberta, qui en a compté 71.

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