France :CONDUITE APRÈS USAGE DE STUPÉFIANTS , UNE CURIEUSE QUALIFICATION
Cela fait un moment que cette infraction de conduite après avoir fait usage de produits stupéfiants me turlupine.
Comme souvent, cette réflexion a été nourrie par des interrogations de mes clients, pleines de bon sens.
« Vous trouvez normal, Maitre, d’être poursuivi alors que j’ai fumé un joint de cannabis il y a 10 jours, cela n’affecte évidemment pas mon comportement au volant ! Au moins, pour l’alcool, on nous demande de respecter un taux, mais là ! »
En effet l’article L235-1 du code de la route réprime le fait de conduire après avoir fait usage de stupéfiants, cet usage devant être révélé par une analyse, qu’elle soit sanguine ou salivaire.
Ce qu’il faut caractériser, ce n’est pas que la personne conduisait sous influence des produits stupéfiants, de sorte qu’elle a fait courir un risque particulier aux autres usagers de la route lié à son incapacité à conduire.
C’est simplement qu’elle se trouve au volant d’une voiture. Et qu’elle a fait usage de stupéfiants dans un temps qui permet d’en retrouver trace au jour du contrôle routier.
Ce qui est agaçant, c’est que dans cette situation, il n’existe parfois aucun lien de causalité entre la prise de stupéfiants et la conduite elle-même, quand la prise de stupéfiants remonte à plusieurs jours avant le contrôle routier.
Le fait de constater par une analyse sanguine la consommation de stupéfiants devrait pouvoir justifier une poursuite pour usage de stupéfiants, mais on peine à comprendre pourquoi une poursuite pour conduite après usage.
En vérité, cette infraction n’a aucun sens.
Les procureurs et juges, à qui parfois les justiciables exposent les mêmes interrogations qu’à nous au sujet de la loi, tentent péniblement, vainement en fait, d’expliquer cela par le fait que la consommation de produits stupéfiants est interdite. Point barre.
Or, commettre des violences est interdit. Comme consommer des drogues. Prévoit-on une incrimination particulière de conduite après avoir commis des violences ? De conduite après avoir commis un vol ? Ou de conduite après avoir commis une escroquerie ?
Il n’y a pas plus de lien entre conduire après avoir consommé 10 jours auparavant des produits stupéfiants et conduire après avoir commis des violences, un vol ou une escroquerie.
Alors pourquoi cette particularité juridique ?
On ne peut guère voir ici qu’une nouvelle incursion de la morale dans le droit.
Ce qui n’est jamais très rassurant en matière pénale, et ce qui a au cas présent de fâcheuses conséquences, puisque de très nombreux justiciables voient leurs permis de conduire suspendus, voire annulés, alors que rien dans leur comportement au volant ne pouvait prêter à critique.
Un texte prévoyant la présence des principes actifs de produits stupéfiants, ou un seuil minimum dans les analyses serait plus conforme au droit pénal et notamment au principe de juste qualification des faits, qui veut que la qualification juridique qui est retenue soit la plus proche des éléments du dossier.