France :Gérants d’un bar-tabac de Gironde relaxés pour trafic de stupéfiants : pourquoi c’est inédit
Les gérants du tabac presse épicerie de Landiras Le Cinq Étoiles, qui vendaient des produits à base de CBD et de THC, ont été relaxés par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Ils reviennent sur leur parcours judiciaire traumatisant
Relaxés, blanchis, innocentés. Avec la compassion du tribunal correctionnel de Bordeaux, qui a estimé qu’ils n’étaient coupables ni de détention, ni de cession, ni d’acquisition de produits stupéfiants et pas davantage de provocation à l’usage de drogue. Un soulagement pour Lioudmila et Mathieu H., les gérants du tabac presse Le Cinq Étoiles, au cœur de Landiras, en Gironde.
« Landiras est un petit village »
Leur vie de labeur a basculé le 31 octobre 2018, quand les gendarmes ont fait irruption chez eux. Éberlués, ils apprennent qu’un client les accuse de faire du trafic de produits stupéfiants. « Ils n’ont pas été aussi diligents quand nous avons été victimes de cambriolage », commente, amère, Lioudmila.
« Là, ils sont venus nombreux, avec des gilets pare-balles et armés, devant les enfants pour fouiller. C’était vexant, blessant, humiliant. Landiras est un petit village, la nouvelle a vite circulé. »
Ce jour-là, les enquêteurs saisissent des e-liquides pour cigarettes électroniques et des tisanes à base de sommités fleuries pour les faire analyser. Ils reviennent cinq mois plus tard avec les résultats. Certains taux de THC (tétrahydrocannabinol) sont supérieurs à la norme actuellement en vigueur en France. Cette fois, le couple part pour 29 heures de garde à vue.
« On nous a sortis avec les menottes devant les clients, on nous a traités comme des gros dealers », ne décolère pas la jeune femme, qui a passé de longues heures seule, en cellule, dans une brigade désertée pour la nuit. Tous deux ont vécu dans l’angoisse en attendant leur convocation devant le tribunal correctionnel de Bordeaux le 6 septembre dernier.
« Mais le mal était fait », soupire Lioudmila H.. Elle songe à mettre la clé sous la porte et à partir loin, très loin. « Nous avions tellement honte. Mais c’était trop facile de baisser les bras. Nous n’avions rien à nous reprocher ». Ils relèvent la tête en essayant de garder le sourire dans ce village chaleureux qui les a accueillis en 2010.
Honneur lavé
À cette époque, le directeur d’agence bancaire et l’ancienne professeur de guitare, passés par la région parisienne et la Guadeloupe veulent changer de vie. Lui rêve d’avoir un commerce, elle de travailler en couple avec une qualité de vie. « Il y a tout ici. L’école à côté, le contact avec les gens, pas comme dans une grande ville où c’est l’usine. » Leur choix se porte sur le tabac presse car il était à vendre. Ils travaillent dur, tirent sur les horaires, embauchent. Très vite, ils en font un multiservices fourni, qui va de l’épicerie aux jouets et à la carte de pêche, en passant évidemment par la presse et le tabac. « Les buralistes ont pris du retard avec les e-cigarettes », sait Mathieu H. qui cherche à se diversifier et assure « une veille concurrentielle permanente pour savoir les créneaux porteurs ».
Les engrais, arômes des e-cigarettes et les tisanes bien-être en font partie. « Nous avons acheté en toute transparence des produits contrôlés par des laboratoires en France », plaide-t-il. « Les buralistes sont sous contrat avec les douanes, nous n’allions pas prendre le risque de tout perdre ». Avec cette relaxe qui reconnaît leur bonne foi, c’est leur honneur qui est lavé.