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Sport :COMMENT LE CANNABIS ET UN VENIN PSYCHÉDÉLIQUE ONT TRANSFORMÉ MIKE TYSON

Alors que son possible retour sur les rings fait le buzz, Mike Tyson semble plus affûté et apaisé que jamais ces derniers temps. Un changement surtout mental et dû en grande partie au cannabis et à une substance psychédélique à base de venin de crapaud qui a changé sa vision de la vie. Un journaliste témoin privilégié de la transformation raconte à RMC Sport cette histoire digne de la légende de l’ancien boxeur américain.

Sa renaissance ne vient pas de nulle part. Elle se conjugue au dingue comme aux drogues. Si Mike Tyson peut alimenter les fantasmes d’un retour sur les rings, sa plénitude retrouvée y est pour beaucoup. On ne parle pas du physique, ou de cet enchaînement gauche-droite à jamais gravé en lui et encore terrifiant, mais bien du mental. Redevenu stable en repoussant ses limites. La tête à l’endroit… en se la mettant à l’envers. On aurait aimé en parler avec lui, mais l’homme reste insaisissable malgré les relances. On a quand même trouvé un témoin pour raconter les douces folies du voyage intérieur: Alex Pappademas.


"Il a toujours un joint à la main ou presque"

A la faveur d’un long travail pour un article pour GQ, ce journaliste américain a pu approcher la bête de près sur plusieurs mois entre 2018 et 2019. Total accès, ou presque, et avec plusieurs interviews. "Ils m’ont laissé être là et observer, en me disant que Mike s’endormirait peut-être mais que c’était OK, s’amusait-il pour RMC Sport il y a quelques semaines. A un moment, je me pointais juste à son bureau et c’était parti. Avec lui, vous ne savez jamais ce qui va se passer ou qui va arriver la prochaine fois. C’est pour ça que je voulais revenir encore et encore." Avec une constante: tout se fait toujours au milieu de la fumée de cannabis. Une des clés du réveil spirituel façon phénix avec un… venin de crapaud séché.





Mike Tyson, et il n’en fait pas mystère, fume de l’herbe. Beaucoup, au point d’évoquer lui-même une consommation (en commun avec le co-présentateur de son podcast) à 40.000 dollars par mois. Il a raconté à Alex Pappademas s’allumer un joint en se levant à cinq heures du matin, juste avant une heure de course sur tapis roulant. Puis c’est parti pour du non-stop. "C’est comme de traîner avec un fumeur de cigarettes, poursuit le journaliste. Il a toujours un joint à la main ou presque. Et il les laisse traîner partout. Sa femme le suit avec un mini-aspirateur car ils ont des tapis blancs. On en trouve aussi sur des piles de livres ou à l’angle d’un bureau. On dirait un petit cocon de larve mais c’est juste un joint à moitié fumé de Mike. On peut retracer son parcours de la journée en les suivant. (Rires.)"



Quand on connaît le personnage, aucune surprise. Dans une vie de lumière et de chaos, de l’enfance difficile et maltraitée à la déchéance en pleine gloire, "Iron Mike" a flirté avec toutes les limites. Il les a même dépassées. Avec toujours des produits comme béquilles et l’addiction comme partenaire. La légende, racontée par ses soins, veut que sa mère lui donnait du gin pour le calmer. A douze ans, il avait déjà essayé tout ce qui fait planer ou presque, cocaïne, cannabis, haschich, opium, acide ou encore angel dust (phéncyclidine, un psychotrope hallucinogène). La liste continue à l’adolescence puis avec les gants, d’un psychotrope inhibiteur parfois utilisé comme antidépresseur (sertaline) pour être plus agressif dans le ring à des combats sous l’emprise de la méthamphétamine.


S’il a su se réinventer plus d’une fois après sa carrière, parfois jusqu’à la caricature de lui-même, ses démons ne le quitteront jamais après la fin de son aventure en 2005, aimanté par l’alcool, le sexe et les drogues. Il a fait plusieurs cures de désintox, est monté jusqu’à 172 kilos sur la balance, a été traité pour la gestion de la colère et l’addiction sexuelle. Il se décrit dans son autobiographie comme un "artiste de la rechute". Ce livre en est un exemple: il se termine sur une période de sobriété… avant un chapitre en plus rajoutée lors de la réédition pour expliquer qu’il avait rechuté! "Il y avait toujours une substance, confirme notre témoin. Il m’a dit qu’il avait essayé pratiquement tout. A un moment, il se shootait aux gouttes de morphine, ce qu’on donne aux gens en train de mourir, car c’est le moyen le plus efficace de mettre les opiacés dans votre corps. Il a vraiment fait le tour du monde des moyens de se défoncer."


"Il n'avait jamais vu le cannabis comme un produit médical"

Mais désormais, son approche a changé. L’addiction utilisée comme un coéquipier. "Il avait déjà fumé des joints mais il n’avait jamais vu le cannabis comme un produit médical pour les choses contre lesquelles il luttait mentalement depuis longtemps, analyse Alex Pappademas. Un addictologue vous dirait qu’il a remplacé une substance par une autre, comme s’il s’était mis à manger des cookies, que c’est toujours un comportement addictif, même si c’est moins destructeur que l’alcool par exemple, et que vous êtes toujours dans un état où vous vous cachez des choses. Mais c’est sans doute plus sain pour sa vie de tous les jours de se balader à fumer des joints toute la journée. Il suffit de voir son comportement ou la façon dont les gens autour de lui en parlent."


Le journaliste peut aussi témoigner. Quand il le rencontre pour la première fois, au printemps 2018, Mike Tyson participe à une réunion avec d’autres anciens athlètes de haut niveau pour évoquer l’utilisation du cannabis thérapeutique dans la médecine sportive. Rien d’innocent: l’événement est organisé par Tyson Holistic, depuis renommée The Ranch Companies, une des plus de 10.000 nouvelles sociétés venues accompagner la légalisation du cannabis à usage récréatif en Californie en 2016, avec en vue un business estimé à plus de quatre milliards de dollars juste dans cet Etat à l’horizon 2025. Tyson y est associé avec Rob Hickman, entrepreneur et producteur de films, rencontré sur le tournage de Kickboxer: Retaliation (où Mike jouait le rôle d’un boxeur qui apprenait au héros de nouvelles façons d’endurer la douleur), mais aussi Eben Britton, ancien joueur de NFL devenu défenseur du cannabis thérapeutique (il en consommait durant sa carrière), et Kevin Bell, entrepreneur investi dans le milieu du cannabis et de sa culture depuis 1989 (notamment à Amsterdam).


La page d'ouverture du site internet de la marque Tyson RanchDR/tysonranch.com - La page d'ouverture du site internet de la marque Tyson Ranch

La société gère entre autres Tyson Ranch, marque de licence et de "branding". L’idée? Vendre à des producteurs du packaging pour écouler leurs produits. En gros, associer le nom et le visage de Tyson à de l’herbe sans jamais en faire pousser. Le site internet présente différentes variétés de cannabis, aux propriétés récréationnelles évidentes vu les taux de THC de chacune, avec une liste de magasins pour s’en procurer. On trouve aussi toutes formes de goodies au nom de la marque: briquet, plateau pour rouler son joint, "sac à cannabis" pour transporter son matériel de parfait fumeur. Il y a d’autres idées, des produits au CBD consommables, des cosmétiques à l’huile de chanvre, des médicaments, et des pelletées de cannabis à faible THC achetées en vue d’une transformation dans des usines.


Tyson Ranch, c’est aussi comme son nom l’indique l’idée de Rob Hickman d’un "ranch à cannabis" prévu à Desert Hot Springs, à l’extérieur de Palm Springs dans le désert californien: 420 hectares sur lesquels on trouverait un hôtel de luxe, du camping haut-de-gamme, un amphithéâtre pour des concerts, une "université" pour apprendre les techniques de culture de cannabis, la plus grande "rivière paresseuse" (canal artificiel emprunté sur bouées) au monde et peut-être des points de vente en association avec une marque qui louerait un espace dédié. Un lieu où le cannabis ne poussera pas mais où il pourra être consommé partout, sauf là où on pourra se procurer de l’alcool.


"Snoop, on sait qu’il fume des joints, l’histoire de Mike autour de ce produit est bien plus nouvelle"

Si la crise actuelle a peut-être un coup de frein à un projet un temps espéré pour 2020, voire pire car on n’en trouve plus trace sur le site de la marque (comme s’il avait été abandonné), l’investissement de Mike Tyson dans cette société est bien un pilier de sa nouvelle vie intérieure. Ce n’était pourtant pas son coup d’essai. "Avec sa femme, ils avaient investi dans un dispensaire à cannabis en Californie, raconte Alex Pappademas. Ils ont une maison à Henderson, dans le Nevada, près de Las Vegas, et une à Los Angeles. Ils passaient de plus en plus de temps à Los Angeles, notamment car sa fille est une prodige du tennis qui commençait à s’entraîner avec de très bons coaches là-bas. Ils essayaient de gérer ce dispensaire, une sorte de magasin à herbe thérapeutique. Mais cela s’avérait difficile car techniquement, ça reste de l’argent de la drogue et il ne peut pas circuler entre les Etats. C’est légal dans les deux Etats mais le fait de transvaser l’argent d’un Etat à l’autre vous fait remarquer par le procureur général des Etats-Unis. C’est aussi un business en cash donc c’est difficile pour tracer les profits. Ils avaient plusieurs problèmes pour gérer ça de loin."


L’approche de Rob Hickman (qui a failli mourir d’une grave infection avant d’être sauvé par un naturopathe qui lui a prescrit des produits à base de cannabis) va le convaincre de changer son fusil d’épaule. "Il était la personne parfaite pour ça car le cannabis a changé sa vie", explique l’entrepreneur dans GQ. Une plante sur laquelle les avis évoluaient avec le temps, comme lui tentait de rattraper le fil de son existence. "Ce qui lui a plu, c’est de passer du fait d’être dans le business pur du cannabis au fait de vendre sa tête, son nom et son histoire de personne à la vie transformée par ce produit, précise notre témoin. Ils avaient été approchés par des gens avec qui le partenariat semblait naturel pour ça, comme le rappeur Snoop Dogg. Mais son côté sport apporte quelque chose en plus, ça connecte à la médecine sportive et aux problèmes de nombreux athlètes qui finissent leur carrière en lambeaux. Snoop, on sait qu’il fume des joints depuis toujours, alors que l’histoire de Mike autour de ce produit est bien plus nouvelle. Après toutes ses difficultés et ses problèmes en abusant de certaines substances, le fait qu’il ait trouvé un moyen de réduire ça même via l’utilisation d’une autre substance, c’est une belle histoire."


Mike Tyson dans son costume de businessman à l'US Open en août 2019Icon Sport - Mike Tyson dans son costume de businessman à l'US Open en août 2019

Mais ce printemps 2018, même investi dans ce cannabis qui lui permet de s’apaiser, Mike Tyson reste en partie Mike Tyson. "La première fois que je l’ai vu, je me suis dit: 'Il n’est pas avec nous', se souvient le journaliste. On aurait dit la coquille d’un homme. Il paraissait nettement plus âgé que ce qu’il n’était. Il y avait plein d’autres sportifs, des joueurs de football américain, des combattants de MMA, des gens qui prennent des coups jour après jour et souffrent pour gagner leur vie. Ils avaient tous une version de leurs problèmes d’addictions mais personne n’était tombé aussi bas que Mike et revenu de tout ça. Il était assis au milieu de tous et on n’avait pas l’impression qu’il était vraiment présent, il murmurait à peine quelques trucs C’était une version extrême du Mike que l’on connaît. Ce n’est pas qu’il était défoncé au cannabis, car je sais désormais comment il est quand c’est le cas, mais on avait le sentiment qu’il y avait une obscurité autour de lui. Je m’étais demandé s’il n’était pas exploité..."


"Le temps d’un épisode de série, tu montes de l’autre côté de la galaxie mentale"

Plus simple: il retombe dans ses travers avec un mix de coke, d’alcool et de femmes (il le reconnaîtra lui-même). Mais un venin de crapaud va tout changer. Mike Tyson découvre un nouveau monde psychédélique avec un dénommé Dr Gerry, Gerardo Sandoval, gynécologue et obstétricien de Guadalajara au Mexique, mais surtout spécialiste et chantre des propriétés psychologiques de la 5-MeO-DMT. Kezako? Le puissant enthéogène (substance psychotrope modifiant la conscience utilisée à des fins religieuses, spirituelles ou chamaniques) existant, produit par le Bufo alvarius, espèce rare de crapaud connue sous le nom de crapaud du désert de Sonoran. Quand on le chasse, ce dernier sécrète un venin qui repousse les prédateurs en les faisant "triper". Certains ont depuis longtemps trouvé comment retirer son venin, le faire sécher et le fumer. Un trip bien violent, "ascenseur express pour la conscience cosmique" dixit Dr Gerry. Un ordre d’idée? Le DMT, substance très proche active dans la concoction des chamans et connue sous le nom ayahuasca, est sa version "tranquille".


Mike Tyson, qui pensait pourtant avoir tout vu, teste le crapaud seul dans une pièce avec Dr Gerry, premier invité de son podcast Hotboxin’ with Mike Tyson, enregistré dans les locaux californiens (à El Segundo) de sa société investie dans le cannabis et devenu un rendez-vous incontournable des amateurs de conversations déjantées. Il a plusieurs fois raconté la scène depuis, combien elle l’avait influencé dans le bon sens. Il dit avoir expérimenté la mort avant de renaître, un mauvais trip puis de belles choses, sa vie vue de loin, des symboles aztèques, des pyramides. Il utilise tout le champ lexical du voyage psychédélique, se dit libéré, délivré. "Quand Dr Gerry raconte cet épisode, il est plus lucide que Mike car il était juste à côté de lui pour l’observer, précise Alex Pappademas, qui regrette presque de ne pas avoir pu 'crapauter' avec Tyson. La façon dont il me l’a décrite, c’est qu’il a vu Mike laisser partir beaucoup de choses émotionnellement. Il a tout lâché. Il insultait les gens, il y avait beaucoup de colère. Il a expérimenté la mort, ce qui est très commun dans ces expériences, et il dit avoir vu des choses de son passé. Et quand on est Mike Tyson, ça fait beaucoup de choses, beaucoup de culpabilité."



Il remettra le couvert avec ce drôle de crapaud plusieurs fois par la suite. Apaisé et dans la quête de lui-même. "Quand j’étais avec lui, il essayait encore de comprendre ce qui lui était vraiment arrivé dans cette expérience, poursuit notre témoin. Plus il en parle, plus il se souvient de choses. Vous vous voyez en dehors du temps linéaire, presque étiré dans l’infini. Ça va loin. Ce n’est pas du tout comme un trip à l’acide, où ça monte puis on connaît un sommet une apogée d’expérience et ça redescend. Tout arrive en quinze minutes environ. Le temps d’un épisode de série, tu montes de l’autre côté de la galaxie mentale et tu reviens. Par rapport à ce qu’il a vécu, tu meurs et tu revis en un temps très court. Il prétend que ça l’a aidé à sortir des ténèbres. Et un an après notre première rencontre, c’est vrai, il y avait un monde de différences. C’était un homme changé, beaucoup plus concentré, qui rigolait. Il attribue beaucoup de ces changements au crapaud."


Le venin fumé de l’animal a changé sa façon de voir les choses et ses propres zones d’ombre. Ses proches l’ont vu virer philosophe. "Quand j’ai rejoint le projet, Mike était dans un état très sombre sur le plan mental, témoigne Eben Britton, transformé de son côté par un 'voyage psychédélique' de six mois en Amazonie et qui co-présente son podcast avec lui, dans GQ. Mais il s’est transformé du guerrier féroce qui vivait isolé en un chamane/entrepreneur de cannabis réveillé spirituellement et guerrier de la lumière. Quand il était jeune, Mike a décidé qu’il serait le plus féroce possible pour montrer au monde qu’il ne pouvait pas le faire tomber. Je pense que le crapaud l’a libéré de ça. Il lui a montré qu’il était ok d’être vulnérable." Il lui a fait retrouver un équilibre, aussi.


"Il y avait une tombola pour gagner la chance de fumer un joint avec Mike"

A l’heure où son possible retour enflamme les esprits, Mike Tyson a une vie bien organisée. Presque rangée. Depuis le crapaud, il affirme ne plus boire et ne plus verser dans les drogues dures mais se contenter de ses (très nombreux) joints de cannabis. Il s’investit dans sa société, visage de la marque quand Rob Hickman en est la cheville ouvrière de l’ombre, et lui donne beaucoup de visibilité avec son podcast, activité à laquelle il s’adonne avec un immense plaisir dixit notre témoin, qui l’a vu à l’œuvre dans cette forme de thérapie en public: "C’est devenu une partie importante de sa vie. Il est présent tous les jours dans ce show, juste à faire ses interviews et à parler de lui. Si vous voulez en apprendre sur Mike Tyson, il suffit d’écouter son podcast. Il va parfois se mettre à raconter une histoire dingue et changer de sujet d’un coup. C’est un peu foufou mais ça lui est très bénéfique."


Mike Tyson tout sourire en septembre 2019 à l'occasion d'un match NFL entre les Jacksonville Jaguars et les Tennessee TitansAFP - Mike Tyson tout sourire en septembre 2019 à l'occasion d'un match NFL entre les Jacksonville Jaguars et les Tennessee Titans

Cet "addict au chaos", dixit Lakiha "Kiki" Spicer, qui partage sa vie depuis plus de dix ans, s’est apaisé et la légende s’est encore enrichie d’un chapitre illustré d’une feuille de cannabis et d’un crapaud. Elle ne risque pas de s’éteindre de sitôt, comme on l’a encore vu avec ses vidéos d’entraînement qui ont fait le buzz. Les violences conjugales sur son ex-femme, la condamnation pour viol (qu’il nie toujours), son passage en prison, l’oreille croquée de son rival Evander Holyfield, toutes ses folies, rien n’a été assez pour le discréditer aux yeux du grand public. "Si quelqu’un était reconnu coupable de viol aujourd’hui, il n’aurait pas de seconde chance comme Mike en a eu, estime Alex Pappademas. Mais la question intéressante est : que va-t-il faire de ça? Il y avait d’autres secondes vies possibles pour cet homme qui étaient bien plus déprimantes que celle-là. Peu importe ses crimes, la culpabilité à laquelle il doit faire face ou ce qu’il n’assume pas, il y a quelque chose de positif à voir quelqu’un essayer."


Mike Tyson est un de ces personnages "plus grands que la vie" bien de son époque, la fin des années 80 et le début des années 90, dont l’aura a depuis longtemps dépassé ses simples talents de boxeur. Une star, une vraie, sauvage, brute, dans les bons comme dans les mauvais côtés. Mais qui reste un aimant quinze ans après son dernier combat pro. Il faut écouter notre témoin raconter le KIND, festival de musique organisé en février 2019 sur le lieu du futur Tyson Ranch où les joints s’allumaient en pagaille. Avec un concours un brin particulier. "Il y avait une tombola pour gagner la chance de fumer un joint avec Mike, raconte le journaliste. Ce n’est pas un engagement très fort de sa part puisqu’il en fume tout le temps de toute façon, là-bas comme ailleurs. (Sourire.)"


"Comme n’importe qui un peu défoncé, il scotche sur des choses qui l’amusent ou des paysages"

Il y verra aussi des influenceurs Instagram trop peu âgés pour l’avoir vu combattre au sommet de son noble art faire des pieds et des mains pour prendre une photo avec lui. Et une foule jeune l’acclamer façon rock-star. "C’était la chose qui m’a le plus surpris: l’idée que les gens aient envie de traîner avec lui, analyse-t-il. Je l’ai connu comme le champion de boxe, un type assez effrayant. Mais il y a toute une génération de gens qui le connaissent grâce au film Very Bad Trip ou des choses comme ça, une version plus câline. Je ne savais pas s’il allait y avoir un public de jeunes qui allaient chanter son nom, des gens qui ne le connaissaient pas comme boxeur mais comme la personnalité à problèmes des années 90 et 2000, mais il provoque toujours ce niveau d’excitation et ce respect. Je ne sais pas si on produit encore ce genre de célébrités, une célébrité universelle. Certaines personnalités transcendent les choses de cette façon." Il n’y aura malheureusement pour lui pas de deuxième édition pour l’instant: celle prévue en octobre dernier, avec en parallèle une convention sur le cannabis, avait été reportée et pas reprogrammée depuis.


Mike Tyson dans le ring du MGM Grand de Las Vegas en février à l'occasion du combat entre Deontay Wilder et Tyson FuryIcon Sport - Mike Tyson dans le ring du MGM Grand de Las Vegas en février à l'occasion du combat entre Deontay Wilder et Tyson Fury

Pas grave. Entre chanvre et crapaud, on comprend désormais mieux sa transformation spirituelle. Reste la pure curiosité. Alors Alex, il est comment Mike après quelques joints, même si on en a déjà un aperçu via son podcast? "Comme n’importe qui un peu défoncé, sourit le journaliste. Il scotche sur des choses qui l’amusent ou des paysages. Il est aussi toujours fasciné par les animaux même s’il ne peut plus avoir de tigre car il a de jeunes enfants autour de lui. Mais il a toujours ses pigeons dans sa maison de Los Angeles. Mike sous herbe, c’est vraiment ce que le cannabis peut faire de vous: vous mettre dans un espace où vous ne pensez ni au futur ni au passé. Je pense que sa grosse consommation lui permet de rester dans cet état. J’imagine que son passé est une pièce sombre où il ne veut pas forcément revenir et qu’il souhaite avoir tout le temps toutes ses facultés. Mais quand il parle d’un sujet qui lui tient à cœur, il est à fond."


"C'est un aimant à bizarreries"

Alex Pappademas se souvient combien Mike Tyson pouvait être malheureux dans sa carrière, surtout après la mort de son mentor Cus d’Amato en 1985, et combien il peut sourire aujourd’hui. "Le côté business de ce qu’il faisait lui empoisonnait vraiment l’expérience. Je ne sais même pas s’il prenait vraiment du plaisir à de fracasser des gens dans un ring... Il avait tellement de choses à gérer dans sa vie personnelle, tellement de chaos, que je ne pense pas que quoi que ce soit le rendait heureux à l’époque et c’est comme ça qu’on tombe dans les abus de substances qu’il a connus. Il était sans doute déprimé. Il pense être bipolaire. Je ne sais pas s’il a déjà eu un diagnostic officiel pour ça. Est-ce c’était circonstanciel? Je n’en sais rien. Mais je sais, car on s’est assis pour en parler, que c’est quelqu’un qui a trouvé une forme de paix dans sa vie, une forme de vie cool et qui lui convient."


Qui fait dire à notre témoin qu’il l’imagine bien, dans quinze-vingt ans, joint au bec à se prélasser sur la "rivière paresseuse" d’un Tyson Ranch. Le projet était d’en bâtir plusieurs, un peu partout. La pandémie de Covid-19 a peut-être changé les plans. Peu importe. Mike Tyson rebondira sur ses pattes, dans le milieu du cannabis et peut-être dans un ring pour une exhibition ou ailleurs. Il restera un peu Mike Tyson, aussi. "C’est un aimant à bizarreries, conclut Alex Pappademas. C’est la chose qui n’a pas changé avec lui. Il était bien plus chaotique, sombre, effrayant et violent quand il était jeune, mais des courants étranges continuent de tourbillonner autour de lui. Il est comme une pierre au milieu de la rivière." Lissée par son herbe et son crapaud.

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